Le 5 décembre 2024 restera gravé dans l’histoire des marchés financiers. Pour la première fois, le Bitcoin a franchi la barre symbolique des 100.000 dollars. Ce chiffre, longtemps perçu comme un fantasme ou une prophétie irréaliste, s’impose aujourd’hui comme le reflet d’une mutation profonde. Bitcoin n’est plus l’actif marginal réservé aux pionniers de la finance alternative. Il s’est métamorphosé en un pilier incontournable des stratégies d’investissement, porté par un processus d’institutionnalisation amorcé il y a près de sept ans.
Un long chemin depuis 2017 Pour comprendre l’ampleur de ce moment, il faut remonter au 18 décembre 2017, date du lancement des premiers contrats à terme sur le Chicago Mercantile Exchange (CME). Cet événement a marqué la première incursion sérieuse du Bitcoin dans la finance traditionnelle. Si l’actif était encore perçu comme une curiosité spéculative, cette reconnaissance institutionnelle a été un tournant. Elle a ouvert la voie à une infrastructure plus robuste, rassurant progressivement les investisseurs professionnels.
Mais l’intégration n’a pas été linéaire. Le marché a connu des bulles, des effondrements, des scandales et des régulations incertaines. Pourtant, chaque étape, chaque crise, a renforcé l’écosystème, le rendant plus mature et résilient. L’introduction en Bourse de Coinbase sur le Nasdaq en 2021 a aussi contribué à crédibiliser l’industrie des cryptomonnaies dans son ensemble.
Les ETF : le coup d’accélérateur de 2024 La véritable révolution s’est opérée en janvier 2024 avec l’arrivée des premiers ETF spot Bitcoin à Wall Street, approuvés par la SEC après des années d’hésitations. Ces fonds indiciels, offrant une exposition directe au Bitcoin sans la complexité technique de sa détention, ont démocratisé son accès. Les investisseurs institutionnels américains, comme les fonds de pension et les gestionnaires de patrimoine, ont enfin pu intégrer cet actif dans leurs portefeuilles, libérant un flot massif de capitaux.
L’effet boule de neige ne s’est pas fait attendre. Les volumes d’échanges ont explosé, et le Bitcoin a rapidement été intégré dans des stratégies diversifiées. Plus d'un million de bitcoins, soit environ 5 % de l'offre maximale en circulation, sont déjà détenus par les émetteurs d'ETF américains.
Dune - @Hildobby À mesure que la confiance grandissait, des entreprises ont proposé des produits dérivés plus sophistiqués, culminant avec le lancement, le 19 novembre 2024, des options sur les ETF Bitcoin par BlackRock. Ces options permettent désormais une gestion fine des risques, comblant les derniers freins des investisseurs les plus conservateurs.
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D'un actif sans valeur au pilier financier Au-delà des chiffres, c’est la perception même du Bitcoin qui a changé. Jadis caricaturé comme une monnaie pour cybercriminels ou un actif volatil sans valeur intrinsèque, il est désormais comparé à de l’or numérique. Sa rareté algorithmique – un plafond fixé à 21 millions d’unités – en fait une réserve de valeur crédible dans un monde où les politiques monétaires sont souvent perçues comme inflationnistes.
Mais le Bitcoin est allé plus loin. Il s’impose progressivement comme un actif stratégique, capable de diversifier les portefeuilles et de résister aux turbulences géopolitiques. Des pays comme le Salvador, pionnier dans son adoption légale, pourraient être suivis par d’autres États qui voient dans le Bitcoin un outil de souveraineté financière.
Que reste-t-il à accomplir ? Avec les 100.000 dollars franchis, la question qui brûle les lèvres est simple : et maintenant ? Sur le plan institutionnel, les grands jalons semblent déjà atteints. L’avenir se jouera dans une intégration encore plus fluide au sein de la finance traditionnelle. Les fonds communs de placement, les fonds de pension et même les réserves nationales devraient progressivement inclure le Bitcoin, comme cela semble se profiler aux États-Unis.
Sur le plan technologique, le défi est de soutenir cette adoption massive tout en conservant les principes fondamentaux de décentralisation et de sécurité. Les discussions autour du Bitcoin ordinaire – sans contrat intelligent ou couche d’exécution sophistiquée – pourraient aussi s’intensifier, poussant à repenser son positionnement face à des concurrents comme Ethereum.
À plus long terme, c’est le soutenabilité de son architecture qui devra montrer sa robustesse, car celle-ci n’est pas garantie à mesure que les récompenses aux mineurs diminueront (en nombre de bitcoins) et que les revenus générés par les transactions prendront le dessus (actuellement ils représentent une toute petite partie de la rémunération des mineurs).
Il faut que le prix continue à monter pour que ces derniers trouvent un intérêt économique à dépenser de l’énergie pour protéger le réseau.
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