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Christian Rau (Mastercard) : “Les stablecoins sont une révolution majeure”

Christian Rau (Mastercard) : “Les stablecoins sont une révolution majeure”

Christian Rau (Mastercard) : “Les stablecoins sont une révolution majeure”Christian Rau (Mastercard) : “Les stablecoins sont une révolution majeure”

Présent depuis quelques années dans l’industrie crypto, Mastercard a récemment accéléré sur le sujet avec plusieurs projets et partenariats. Nous en avons parlé avec Christian Rau, qui est responsable de l’activité Web3 européenne du géant américain.

The Big Whale : Entre vos partenariats avec plusieurs blockchains (Solana, Avalanche, Polygon…) et vos nouveaux services de paiement, on vous a beaucoup vu sur la crypto ces derniers mois. Est-ce devenu une priorité pour vous ?

Christian Rau : Mastercard est une société technologique dont l’objectif est de permettre de faire des paiements sécurisés partout sur la planète. Quand je précise que nous sommes une société technologique, c’est pour rappeler que nous sommes avant tout agnostiques.

Chaque année, nous assurons 9000 milliards de dollars de transactions, ce qui représente en volume 2 fois le PIB annuel de l’Allemagne ! Notre objectif est d’assurer au mieux ces paiements, et si cela doit passer par la blockchain et la crypto, alors nous le ferons sans hésiter.

Mastercard est au cœur du paiement. Comment voyez-vous l’industrie ?

Le paiement change au rythme de la société et celle-ci n’a sans doute jamais autant évolué. Quand j’ai rejoint Mastercard, le paiement numérique était encore peu répandu. Personne ne voulait payer pour des choses numériques. Les gens téléchargeaient tout, alors que maintenant ils utilisent Deezer, Spotify, Uber, Netflix et toutes ces autres applications.

L’arrivée de ces sociétés a transformé le paiement en ce sens qu’il n’y a plus de différence entre acheter, payer et consommer un service ou un produit. Une société de paiement comme Mastercard doit s’adapter à ces changements structurels.

Quelle est la stratégie de Mastercard ?

C’est assez simple : nous voulons étendre le plus possible le champ des paiements. Nous sommes un leader mondial dans les cartes, quelle que soit leur forme (plastique, dématérialisée, etc.), mais nous sommes aussi présents dans le paiement via les comptes, les wallets (portefeuilles numériques), et évidemment nous regardons de plus en plus du côté de la blockchain qui offre une alternative sécurisée et à l’échelle.

Il y a de nombreuses manières d’utiliser la blockchain. Quelle est la vôtre ?

Ce que nous voyons depuis 10 ans, c’est que les consommateurs veulent investir dans les actifs numériques. Au même titre que les particuliers ont voulu acheter en ligne sur Amazon, ils veulent désormais pouvoir acheter des actifs numériques et déplacer leurs cryptos via leurs comptes sur Coinhouse ou Bitpanda.

Nous pensons qu’ils doivent pouvoir le faire via leur carte de paiement. C’est ce que nous appelons le Onramp. Dans l’autre sens (Offramp, NDLR), ils doivent pouvoir retirer leurs cryptos et les reconvertir vers le monde des monnaies traditionnelles.

L’industrie crypto s’est en partie construite sur l’idée que les monnaies fiat comme l’euro et le dollar n’étaient pas viables. Qu’en pensez-vous ?

Je ne partage pas ce point de vue. La monnaie ne disparaît pas, elle évolue, et c’est cela qui m’intéresse le plus. Après 3000 ans de cash, les responsables politiques et les banques centrales ont commencé à imaginer un avenir monétaire différent.

Ils ont compris que dans un monde plus numérique, la monnaie allait également évoluer, et c’est la raison pour laquelle ils ont tous accéléré leur réflexion sur les stablecoins et les monnaies numériques de banques centrales (MNBC).

Comment voyez-vous ce nouveau paysage ?

Nous allons avoir les monnaies numériques de banques centrales, les stablecoins comme celui de Circle ou de la Société Générale, et bien sûr aussi des jetons non stables comme le bitcoin, l’ether et les autres crypto actifs. Ces derniers ne sont pas des monnaies à proprement parler, mais des nouvelles formes de paiement.

En tant que géant du paiement, il faut que nous continuions à innover sans faire de concession avec des règles aussi importantes que la sécurité, la protection des consommateurs, et bien sûr les politiques de KYC et d’AML. C’est pour cette raison que nous regardons d’aussi près tout ce qu’il se passe avec les MNBC, les stablecoins et même le bitcoin, même si nous ne voulons pas du bitcoin sur notre réseau.

Comme vous l’avez expliqué, la blockchain est une nouvelle route des paiements. Pourquoi mettez-vous les cryptos, et notamment Bitcoin, à part ?

Imaginez que vous souhaitiez acheter un ordinateur dans un magasin. Vous avez le choix entre payer 1500 euros ou alors 0,026 bitcoin (au cours actuel de 61.000 dollars). Vous décidez de payer en bitcoin et entre le moment où vous avez décidé de payer en bitcoin et l’exécution de la transaction, Elon Musk a fait des tweets qui ont fait plonger la valeur du bitcoin de 10%.

En l’espace de quelques secondes, vous avez un ordinateur qui est beaucoup plus cher ! Qui veut prendre ce risque ? De même, si vous achetez l’ordinateur et que 2 semaines après vous souhaitez le rendre. Combien vous rembourse-t-on ? Doit-on prendre le taux d’aujourd’hui ou celui d’il y a 2 semaines ? Qui porte ce risque ?

Bitcoin est encore trop volatile. Il y a trop de problèmes de conformité à gérer surtout sous la supervision de la Banque centrale européenne (BCE). De mon point de vue, Bitcoin n’est pas efficace en termes de conformité. Et je ne parle même pas du nombre de transactions qui reste encore trop limité par rapport à ce que nous sommes capables de faire avec notre propre réseau.

Qu’est-ce qui est aujourd’hui efficace selon vous ?

Ce sont clairement les stablecoins. Ils apportent toute la valeur de la blockchain sans les contraintes des cryptomonnaies, c’est-à-dire la fiabilité, la rapidité et la disponibilité. Vous pouvez faire une transaction instantanée le dimanche matin sans dépendre de qui que ce soit.

On peut aussi faire cela avec les cryptos…

Je me permets de préciser que nous ne sommes pas contre le bitcoin et les crypto, et nous permettons de payer avec, mais selon un procédé bien clair.

C’est-à-dire ?

Imaginez que vous êtes chez Carrefour ou dans un autre magasin. Lorsque vous payez avec votre carte Mastercard, il y a une demande d’autorisation de la part de Carrefour vers la plateforme sur laquelle il y a vos bitcoins. Si la plateforme confirme que vous avez bien l’argent nécessaire, votre bitcoin est converti en euro et la transaction est effectuée.

Aujourd’hui, vous pouvez utiliser du bitcoin partout où Mastercard est accepté, mais nous ne touchons pas au bitcoin directement. Seule la plateforme est en contact.

Lorsqu’il s’agit d’utiliser notre propre réseau, nous utilisons les stablecoins qui sont des monnaies régulées et supervisées par les banques centrales. Nous avons été les premiers à intégrer l’usage des CBDC dans notre réseau avec la banque centrale des Bahamas. Nous l’avons aussi fait au Kazakhstan.

Comment expliquez-vous le succès de ces nouvelles formes de paiement ?

Il faut être honnête, le système financier peut être encore largement amélioré, même dans des zones comme l’Europe.

Prenez juste le cas des paiements : aujourd’hui, ils prennent encore beaucoup trop de temps. Si je vous fais un virement ce jeudi, il n’apparaîtra sur votre compte bancaire pas avant demain (vendredi, NDLR).

Les stablecoins sont une révolution majeure. Ils permettent de faire des virements quasi instantanés et 24h sur 24. Imaginez que vous êtes un commerçant en ligne et que vous souhaitez être payé dès que possible. Quel système vous choisissez ? Poser la question, c’est déjà y répondre ! Avec les stablecoins, vous allez être payé immédiatement.

Et là on parle de situation où vous payez tout de suite. C’est encore pire avec les factures où il y a des délais et des retards de paiement. Pour ne pas être trop pénalisé par les retards, des entreprises vendent leurs factures à une banque à 98% de leurs prix comme ça elles récupèrent l’argent directement et elles n’attendent pas. Pourquoi ne mettons-nous pas ces factures sur un smart contract ? On gagnerait beaucoup de temps. Il y a beaucoup d’opérations qui vont être mises sur la blockchain et Mastercard doit être l’un des acteurs qui donne accès à cet univers.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Nous travaillons sur beaucoup de choses. Il y a évidemment nos cartes crypto, notre programme d’accompagnement des start-up crypto, et les partenariats que nous avons noués avec les blockchains comme Solana, Avalanche ou Polygon. L’objectif est de leur apporter notre expertise en termes de sécurité et également de créer des ponts avec le monde plus traditionnel.

Mais plus globalement, vu que notre ambition est d’être une porte d’entrée sur ce nouveau monde, nous travaillons sur notre réseau multi-tokens qui doit permettre d’accéder à cet univers avec le meilleur KYC possible. Nous travaillons dessus depuis un an. La plateforme est encore en phase de test au Royaume-Uni, mais nous avançons bien !

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