C'est un exercice suffisamment rare pour être souligné. Chaque année, depuis 2019, Coinbase publie son “rapport de transparence” dans lequel la plateforme d'échange américaine revient en détail sur toutes ses activités en relation avec les États. Quand on parle des “États”, ce sont les agences nationales et et les gouvernements du monde entier.
A noter que l’autre grande plateforme d’échange américaine, Kraken , se livre à un exercice similaire depuis peu.
La publication du rapport de Coinbase est d'autant plus intéressante cette année (le document est ici ) que les plateformes sont sous pression depuis un an et la chute de FTX. Il y a deux semaines, le leader mondial du secteur, Binance, a accepté de payer une amende de plus de 4 milliards de dollars aux États-Unis dans une enquête pour “blanchiment”. Le patron de la société, Changpeng Zhao, a aussi dû quitter son poste.
Comme vous l'aurez compris, les plateformes sont donc attendus au tournant, et la publication de Coinbase, qui ne cesse de plaider pour la normalisation des relations des acteurs crypto avec les autorités, tombe à point nommé.
Mais que dit le rapport qui couvre la période d'octobre 2022 à septembre 2023 ? 😏
Voici ce que nous en avons retenu :
👉 L'équation vie privée / régulation
Dans un premier temps, Coinbase explique sa démarche en précisant les conditions dans lesquelles elle "collabore" avec les autorités. "Nous avons l'obligation de répondre à ces demandes si elles sont valides en vertu de la réglementation financière et d'autres lois applicables", explique Paul Grewal, qui est le directeur juridique de la plateforme (retrouvez son interview ici ).
La protection des données personnelles est l'une des grandes promesses portées par le développement de l'écosystème crypto. Mais comment concilier vie privée et régulation ? C'est la difficile équation à laquelle le secteur doit chaque jour un peu plus répondre pour continuer sa démocratisation.
Les plateformes d'échanges comme Coinbase, lancée en 2012, sont encore aujourd'hui la principale porte d'entrée pour les investisseurs particuliers et professionnels vers l'écosystème crypto. Elles sont donc des interlocutrices de choix pour les autorités puisqu'une grande partie des flux transite par elles🕵️.
👉 Les requêtes des autorités en hausse
Selon le rapport, Coinbase a enregistré 13.079 requêtes de la part des autorités, soit une hausse de 6% par rapport à l'exercice précédent (12.320), ce qui reste une hausse relativement faible.
En réalité, c'est par rapport à 2021 (5562 requêtes), que le niveau de 2023 est impressionnant. Cette forte hausse en deux ans s'explique notamment par l'intérêt croissant des autorités pour le sujet après le Bull Market de 2020-2021, qui a fait rentrer de nombreux nouveaux utilisateurs.
Sans surprise, la majorité des demandes proviennent des États-Unis (5686 requêtes). Cela s'explique par le fait que l’activité de Coinbase est à 80% aux États-Unis ; comme nous l’avait expliqué l’un des responsables de la société, Nana Murugesan (lire son interview ), le reste de l’activité est surtout en Europe.
Derrière les États-Unis, on retrouve ainsi l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne. La France complète ce trio européen.
Coinbase précise également que 19 pays ont pour la première fois formulé une demande en 2023. Il s’agit de l'Arménie, du Cameroun, du Costa Rica, de la Colombie, etc. Le reste de la liste est disponible sur le site de Coinbase .
Fait intéressant, c'est en Ukraine (+300%), en Australie (+262%) et au Portugal (+211%) que la croissance des demandes est la plus forte. Les raisons de ces hausses sont évidemment variées ; sur l’Ukraine, la hausse s’explique avant tout par le recours plus important aux cryptos dans le cadre de la guerre avec la Russie, tandis qu’au Portugal, la hausse est avant tout due à l’augmentation de l’activité dans un pays où le cadre fiscal est particulièrement avantageux.
Globalement, ces chiffres montrent qu’il y a une adoption de la crypto et que le secteur poursuit son institutionnalisation avec un dialogue de plus en plus important entre les autorités et les acteurs crypto.
👉 Les requêtes liées aux affaires criminelles majoritaires
Comme les années précédentes, les demandes émanant d'organismes chargés de l'application de la loi ont été majoritaires.
Coinbase précise que ces demandes au niveau mondial constituaient plus de 95% tandis que celles qualifiées de "civiles ou administratives" n'étaient que d'un peu plus de 4%. Aux États-Unis, les demandes étaient liées à plus de 90% à des affaires de crimes au niveau fédéral et local.