L’euro numérique n’est pas encore dans votre poche, ou plutôt votre portefeuille numérique, mais le projet continue d’avancer. La Commission européenne a publié ce mercredi ce qui s’apparente au futur cadre juridique du projet qui reste soumis à la validation de la Banque centrale européenne (BCE). L’institution présidée par Christine Lagarde devra valider à l’automne le lancement officiel du projet.
En attendant, il y a peu de doute sur le fait que la BCE veuille lancer le projet d’euro numérique, qui ne devrait pas être basé sur une blockchain, surtout face à la montée en puissance du yuan numérique chinois et de l’émergence de nombreux stablecoins dollars.
Selon le document publié par la Commission, le futur euro numérique, que le gouverneur de la Banque de France appelle “Cash+”, sera obligatoire au sein des 20 États membres de la zone euro. Seules les associations et les entreprises de moins de 10 salariés (ou avec un bilan inférieur à 2 millions d’euros) pourront s’en passer, à moins qu’elles acceptent déjà les paiements numériques.
Concernant les particuliers, le choix sera toujours offert de payer en espèces ou avec de l’euro numérique. Bruxelles veille à ce que les deux versions coexistent et que l’une ne prenne pas l’ascendant sur l’autre.
Concrètement, l’utilisation de l’euro numérique sera sans frais, ne pourra pas rapporter de l’argent - sous forme d’intérêts, et différents prestataires de paiement pourront le distribuer. En revanche, seules les banques assureront la gestion des comptes des utilisateurs.
Le projet devrait comporter des garde-fous, tels que des limites au montant que les particuliers pourraient détenir, afin d’éviter toute sortie importante de dépôts bancaires. Celles-ci pourraient être entre 3000 et 4000 euros par citoyen, comme l'a laissé entendre la BCE. Il sera néanmoins possible de faire de paiements plus importants en connectant son compte bancaire.
Comme avec Apple Pay, le système sera opérationnel même lorsque le smartphone n’aura pas de connexion Internet.
Les constructeurs de smartphones devront en outre autoriser son usage via la technologie NFC (paiement sans contact). On se rappelle que l’UE avait déposé une plainte contre Apple concernant des restrictions empêchant d'autres services de fournir des portefeuilles en concurrence avec Apple Pay…
Tous les flux d’entrée et de sortie vers l’euro numérique feront l’objet d’un dispositif visant à lutter contre le blanchiment de fonds et le financement du terrorisme. Autrement dit, il faudra vérifier l’identité de l'utilisateur à ce moment-là.
Ce point peut faire tiquer les défenseurs de la vie privée, mais le cash est déjà soumis à ces mécanismes lorsqu’on souhaite retirer de l’argent liquide à un distributeur ou un guichet.
Toujours sur la vie privée, la Commission européenne a présenté des mesures de protection "pour garantir que la BCE et les banques centrales nationales ne puissent pas identifier directement les utilisateurs individuels d'euros numériques”, ni suivre leurs habitudes de paiement. Ce point est l’un des plus polémiques, car cela autorise théoriquement les prestataires commerciaux (qui fourniront un wallet) à le faire.
Il est intéressant de noter que l'euro numérique ne sera pas limité aux résidents de l'UE. Les visiteurs et les anciens résidents pourront accéder à la monnaie numérique, au même titre que les États de l'UE qui n’ont pas l’euro et certains pays étrangers. Cependant, ces juridictions auront besoin de sceller des accords avec l'UE.