La baisse des marchés n’a pas détourné toutes les grandes entreprises de l’univers crypto. Selon nos informations, le géant français, Edenred, qui vient de rejoindre le CAC 40 à la Bourse de Paris, a expérimenté une version “crypto” de son produit star, le Ticket Restaurant.
L’expérimentation, qui a été jugée “concluante”, a été lancée en début d’année auprès d’une cinquantaine de salariés. Elle a duré au total un peu moins de six mois.
Concrètement, les salariés ont pu payer avec une “crypto Edenred” (un stablecoin euro développé pour l’occasion) auprès de commerçants situés à proximité du siège de l’entreprise en région parisienne. Comme pour les Ticket Restaurant classiques, ces nouveaux tickets Web3 n’étaient disponibles que pour des achats alimentaires, et avec des plafonds d’utilisation quotidiens.
Si une telle solution ne change pas grand-chose dans la forme, car l’usage est similaire, elle a en revanche un impact considérable en termes de mise en place et d’efficacité. "Le recours aux cryptos permet de partir d’une feuille blanche et de créer le programme que l’on souhaite", explique Thibaut Reymond, Strategic Project Manager chez Edenred. "Nous avons la capacité de faire des offres sur mesure et ultra personnalisés en s’affranchissant des étapes indispensables à la création d’un programme sur des réseaux cartes actuels", ajoute-t-il.
Aujourd’hui, chaque programme de ce type nécessite d’intégrer un nombre important d’intermédiaires, comme les opérateurs Visa et Mastercard ou encore les wallets de paiement Apple Pay / Google Pay. Les technologies blockchain permettent de compléter ou de se substituer à ces géants via des infrastructures blockchain ouvertes et flexibles.
Il est également beaucoup plus facile de définir les conditions qui autorisent la dépense d’argent au sein d’un “smart contract”, un contrat informatique qui définit à l’avance les règles d’utilisation. Cela repose uniquement sur des lignes de code.
L'évolution des normes d'identification a également poussé le groupe à s’intéresser aux cryptos. Grâce aux portefeuilles d’identité, c’est-à-dire des wallets associés à un propriétaire, les risques de vol ou d’usurpation d’identité sont largement diminués. “Nous avons ici des opportunités concrètes pour rapprocher le monde traditionnel, qui obéit à des normes de plus en plus élevées, et le monde crypto qui embarque par construction un niveau de sécurisation très élevé, explique Clément Le Chatelier, directeur des paiements numériques chez Edenred.
Encore un manque d’efficacité
Tout n’est pas non plus parfait avec la blockchain. Edenred s’est en effet frotté à quelques difficultés. “Les frais de transaction sont actuellement supérieurs à ceux des cartes bancaires et le temps de transaction s’est révélé plus long pour l’utilisateur. Par ailleurs, les passerelles entre le monde crypto et le monde fiat demeurent encore peu fluides et impactent l’expérience utilisateur”, concède Thibaut Reymond.
Edenred avait pourtant opté pour Arbitrum, une couche secondaire d’Ethereum (un layer 2), dont la fonction est d’améliorer l’efficacité du réseau principal sans sacrifier son niveau de sécurité (lire notre rapport sur les layers 2) . Ces difficultés montrent que les infrastructures ne sont pas encore mûres pour un passage à l’échelle avec des millions de paiements par jour…
“Ces barrières empêchent aujourd’hui la sortie d’un tel produit, mais on sait que les développements en cours permettront de résoudre ces problèmes dans les mois à venir, tempère Clément Le Chatelier. “Lorsque ça sera le cas, le bénéfice sera évident pour tout le monde. Cela ouvrira également la porte à de nouvelles expériences et de nouveaux services au bénéfice des utilisateurs et commerçants”, souligne-t-il.
Le choix d’Ethereum s’est aussi révélé une évidence car “il semble s’imposer comme un standard de marché avec de nombreux cas d’usage”, souligne Thibaut Reymond. “Comme nous souhaitons nous insérer dans un écosystème beaucoup plus vaste, le choix d’Ethereum semblait assez logique”, indique-t-il.
La nécessité de stablecoins euros
L’autre difficulté rencontrée par Edenred a été la compensation des opérations du côté des commerçants qui ont accepté les “cryptos Edenred”. Car ces commerçants avaient besoin de récupérer à la fin des euros. “Le succès de ce système ne pourra venir que d’une approche systémique où toutes les transactions seront toutes réalisées on-chain”, insiste-t-il.
La question du développement d’un stablecoin est donc cruciale. Aujourd’hui toutes les options sont sur la table si Edenred décidait de lancer son projet à grande échelle : le groupe pourrait très bien émettre son propre stablecoin dédié à cette utilisation, ou bien utiliser un projet développé par un tiers en y ajoutant ses spécificités.
Actuellement, le plus gros stablecoin euro est le EUROC émis depuis 2022 par le géant américain Circle.
Environ 50 millions d’euros sont en circulation. D’autres projets devraient se lancer dans les prochaines semaines, à commencer par le CoinVertible de Société Générale-Forge présenté fin avril. Ce dernier étant réservé aux entreprises - c’est le cas d’Edenred -, il pourrait alimenter des projets tels que celui de Ticket Restaurant.