The Big Whale : En un an, la situation a complètement changé pour l’industrie crypto. Outre la forte hausse des marchés - avec un bitcoin à des niveaux records, on sent un vrai appétit, notamment du côté des entreprises. Est-ce le cas de votre côté ?
Michael Amar : C’est effectivement assez net, même si l’édition précédente a également bien marché. On sait que l’industrie crypto est très cyclique, et que certains ne s’y intéressent que quand les marchés sont au plus haut, mais il y a aussi de plus en plus d’entreprises qui ont compris qu’il y avait une lame de fond.
Certaines personnes sont trop jeunes pour s’en souvenir, mais nous vivons à 20 ans d’intervalle l’équivalent de l’arrivée d’Internet et des périodes de haut et de bas. Après l’éclatement de la bulle, beaucoup d’entreprises et de projets ont disparu, mais beaucoup d’entrepreneurs sont restés, les convaincus et les visionnaires, et ils ont bâti l’Internet que nous utilisons.
Quelles leçons l’industrie crypto peut-elle tirer de cette période ?
Les choses évoluent vite dans la Tech et donc il faut savoir s’adapter. Cela concerne les start-up et aussi les conférences comme la Paris Blockchain Week (PBW). L’année dernière, une grande partie de la conférence portait sur l’univers des NFTs avec des projets qui avaient créé une vraie dynamique. Cette année, c’est moins le cas, donc nous adaptons notre programme. Le but est de renvoyer l’image la plus fidèle de l’industrie.
Quelle est la grande tendance de la Paris Blockchain Week cette année ?
Le gros sujet cette année est la finance décentralisée. La majorité des start-up (850 au total, ndlr) qui ont envoyé leur dossier pour la Start-up Competition sont de cet univers. Il y a une forte tendance à l’intersection entre la finance, la blockchain et la fintech.
L'année dernière, vous avez lancé la compétition de start-ups qui a très bien fonctionné. C’est désormais l’un des temps forts de la semaine ?
Il y a beaucoup de start-ups dans l'univers Web3. Si le Bear Market a été compliqué pour une grande partie de l’industrie, le rythme de création d’entreprises n'a pas baissé et nous voulons accompagner ce mouvement.
Cette année, il y a 100 projets qui vont concourir lors de la Start-up Competition. Ils ont été sélectionnés sur candidature par les fonds d'investissement partenaires de la PBW. La sélection a été très serrée. Il y a beaucoup de très bons projets, notamment parce que la plupart se sont lancés en plein Bear Market et que cela les a obligés à faire beaucoup avec peu. Il fallait être bien accroché pour lancer un projet crypto ces 24 derniers mois.
Quel est l'intérêt de participer à ce concours ?
Se faire connaître et gagner des prix ; il y a 10 millions de dollars de dotation sur la compétition. Ça doit être un record pour une Start-up competition. Il y a des subventions de fondations, des aides de grands groupes, et évidemment de l'argent de fonds qui vont investir dans les quelques lauréats.
Vous avez toujours dit vouloir réunir l'univers crypto et le monde plus traditionnel. Est-ce encore le cas cette année ?
Oui, très clairement, c’est dans l’ADN de la PBW. Cette année, nous avons encore de nombreuses entreprises de l’économie traditionnelle, sauf qu’elles sont moins de l’univers du luxe et retail, et elles viennent plus de la finance et des infrastructures.
Nous avons des fonds, des assureurs et des banques comme JP Morgan, Morgan Stanley, Société Générale et des groupes comme EDF et Veolia.
Quel est l'objectif en faisant venir ces groupes ?
Participer à l'adoption des actifs numériques. Pour nous le meilleur moyen de le faire est de s'ouvrir au monde extérieur. Rien ne se fera sans l’économie traditionnelle. Il faut travailler avec les marques et les entreprises pour toucher leur audience.
Chaque année ou presque vous ajoutez un jour à la conférence. Est-ce que vous prévoyez de vous rebaptiser d’ici quelques années la Paris Blockchain Month ?
Non ! L'année dernière, nous avons eu une journée dédiée aux NFTs et deux jours de conférence. Cette année, nous avons 3 jours de conférence parce que nous avons décidé d’intégrer toute la partie start-up et investissement. Nous ne dépasserons jamais 3 jours parce que nous voulons laisser de la place à nos partenaires et à l'écosystème pour faire des événements avant, pendant et après la PBW.
Combien espérez-vous de participants ?
L'année dernière, nous avons atteint 8.500 personnes et cette année, nous voulons nous approcher des 10.000.
Organiser un événement de cette taille coûte cher. Quel est le budget cette année ? Est-ce une année record ?
Ce sera une édition record. Nous espérons avoir 15% de personnes de plus que l'année dernière qui était déjà une année record.
Êtes-vous rentable ?
Vous êtes obligé d’être rentable, c'est indispensable quand vous organisez des événements. Nous faisons 70% de notre chiffre d’affaires sur le sponsoring et 30% sur les tickets.
Comme chaque année, il y a des questions et des critiques sur le prix des tickets que certains jugent trop chers. Qu'en pensez-vous ?
Je comprends très bien, mais le calcul est en réalité assez simple. Comment fonctionne un événement ? Vous avez des coûts fixes et il faut réussir à financer ces coûts fixes (lieu, organisation, équipe, sécurité, etc).
Nous aurions pu choisir un autre lieu que le Carrousel du Louvre, cela aurait été moins cher, mais il faut bien comprendre que c'est aussi grâce à ce lieu exceptionnel que nous sommes capables d'attirer les meilleurs speakers de la planète. Quand vous avez cela en tête, le calcul est simple : nous regardons combien de tickets et à quel prix nous devons vendre pour être en mesure d'organiser l'événement avec nos sponsors.
La principale difficulté dans notre activité, et c'est le cas pour tous les événements, c'est que les gens achètent leurs tickets très tard. Plus vous achetez tard, plus c'est compliqué pour nous en termes d'organisation.
Le meilleur exemple est celui du ticket start-up. À quelques jours de l'événement, il est à 800 euros, mais en 2023, il était deux fois moins cher. Si vous réfléchissez, 400 euros pour 3 jours de conférence de cette qualité, c'est difficile de faire mieux.
Nous avons plus de 2000 entreprises et plus de 500 investisseurs. Il y a aussi les patrons des plateformes et des protocoles avec leurs équipes. Tous les acteurs de la custody ou de la finance décentralisée sont là. Il y a aussi des entreprises qui cherchent leurs services de paiement et de custody. Avec tous les investisseurs et entreprises que nous réunissons, il est très rapide de rentabiliser le ticket.
Qui sont vos concurrents aujourd'hui ?
Je dirais qu'il y a aujourd'hui 3 grands événements crypto sur la planète : Consensus aux États-Unis (Austin au Texas, ndlr), Token 2049 en Asie (Singapour, ndlr) et la Paris Blockchain Week en Europe. Il y a d'autres très bons événements comme EthDenver ou d'autres sur Bitcoin, mais ce sont des événements plus spécialisés.
Ce qui est intéressant, c'est que Token 2049 vient de lancer une édition à Dubaï et Consensus a annoncé qu'ils allaient faire une édition à Hong Kong en 2025. Ces grandes conférences s'exportent.
Cela veut-il dire que vous allez faire de même ?
Nous y réfléchissons activement. Ce ne sera probablement pas en Europe parce que nous arrivons à faire venir toute l'Europe à Paris. Est-ce qu'il y aurait du sens à faire un autre gros événement à Londres ou Berlin ? Pas sûr.
En revanche, nous avons déjà pris la décision de lancer une conférence sur l'intelligence artificielle, Raise Summit, dont la première édition aura lieu juste avant la PBW de cette année, le 8 avril. C'est déjà un succès incroyable avec d’excellents speakers.
Depuis la première édition en 2019, il s'est passé beaucoup de choses. Que retenez-vous ?
Nous avons réussi à créer un rendez-vous incontournable pour le secteur. Maintenant, au-delà de cela, il faudrait réussir à mesurer l'impact de la PBW en termes de business et de réseau. Aujourd'hui, on aimerait que les entreprises présentes à la PBW puissent maximiser leur semaine. S'ils veulent lever des fonds, on veut qu'ils réussissent à avancer dans leur levée. S'ils veulent trouver de nouveaux clients, on veut pouvoir les aider à les trouver chez nous. Nous voulons optimiser les interactions et avoir des indicateurs clés en termes de retours sur investissement.
D'où viennent les participants ?
Nous n'avons pas encore les chiffres pour cette année, mais l'année dernière, la répartition ressemblait à cela : 20% venaient de France, 15% des États-Unis, 13% du Royaume-Uni, 8% de l'Allemagne, et le reste de toute la planète. Nous attendons beaucoup d'Asiatiques cette année.
Est-ce que les politiques soutiennent cet événement ?
Depuis notre lancement, nous avons toujours eu un ministre du gouvernement qui est venu à l'événement à la fois pour rencontrer des entreprises du secteur et témoigner du soutien du gouvernement. Ce sera la même chose cette année.