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Stablecoins : à 15 jours de l’entrée en vigueur de MiCA, le flou persiste

Stablecoins : à 15 jours de l’entrée en vigueur de MiCA, le flou persiste

Stablecoins : à 15 jours de l’entrée en vigueur de MiCA, le flou persisteStablecoins : à 15 jours de l’entrée en vigueur de MiCA, le flou persiste

Beaucoup d’émetteurs de stablecoins expliquent qu’ils ne seront pas prêts pour MiCA. Ils pointent notamment la difficulté à respecter tous les critères de la réglementation pour continuer d’opérer dans l’UE après le 30 juin.

À seulement 15 jours de l’entrée en vigueur de la réglementation MiCA pour les stablecoins, une certaine inquiétude règne dans l’industrie. De nombreux émetteurs de stablecoins affirment qu’ils ne seront probablement pas prêts d’ici le 30 juin, date d’entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation.

Selon nos informations, ce retard est à la fois dû au respect de certaines règles, telles que l’obtention de la licence d’établissement de monnaie électronique, et à l’incertitude concernant d’autres aspects.

“Les régulateurs ne sont pas d’accord entre eux sur certains points, notamment si les stablecoins doivent être considérés comme des moyens de trading ou de paiement”, explique un avocat qui conseille plusieurs acteurs du secteur. “Or, ces questions ont un impact”, ajoute-t-il.

Voici un tour d’horizon des éléments de préoccupation.

Un délisting strict des stablecoins non régulés au 30 juin prochain ?

Pour opérer de manière régulée en Europe, les émetteurs de stablecoins devront obtenir la licence d’établissement de monnaie électronique (EME) avant le 30 juin prochain.

En conséquence, les plateformes d’échange devront délister les stablecoins pour leurs utilisateurs européens qui n’auront pas obtenu cet agrément avant la date limite.

À ce niveau, les approches varient :

OKX a, par exemple, annoncé qu’ils allaient délister l’USDT, le stablecoin émis par Tether et leader du marché (115 milliards de dollars en circulation), dont le patron Paolo Ardoino a annoncé qu’il ne serait pas conforme à la réglementation dans les temps.

D’autres comme Kraken ou Crypto.com n’ont pour le moment pas décidé de franchir le pas. De son côté, Binance va dans un premier temps restreindre l’accès aux stablecoins non régulés au 30 juin prochain, citant notamment l’USDT et le FDUSD émis par la société hongkongaise First Digital, qui remplace depuis août dernier son BUSD, arrêté par le régulateur new-yorkais en février 2023.

La question est d’autant plus épineuse que, selon nos informations, même des dossiers d’établissement de monnaie électronique (EME) concernant des géants du secteur comme SG-Forge, la filiale du groupe Société Générale émetteur du CoinVertible (EURCV), ou Circle, émetteur de l’USDC et de l’EURC, ont été ralentis, voire quasiment mis à l’arrêt pendant quelques mois, en raison du manque de précisions apportées par les régulateurs au niveau européen.

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La question sensible des réserves pour les émetteurs

Pour se conformer à MiCA, les émetteurs de stablecoins doivent respecter des contraintes quant à la gestion de leurs réserves. C’est principalement cette problématique qui a été avancée par le patron de Tether pour justifier sa décision de ne pas se conformer à MiCA au 30 juin prochain.

Pour les émetteurs de “taille significative”, c’est-à-dire dont l’émission dépasse les 5 milliards d’euros, 60 % de leurs réserves devront être constituées de dépôts en espèces chez plusieurs acteurs bancaires. Pour les stablecoins plus petits, ce montant est fixé à 30 %.

“Déposer ses fonds chez un acteur bancaire expose également les stablecoins aux risques de faillite. Regardez ce qu’il s’est passé aux États-Unis avec la Silicon Valley Bank”, expliquait Paolo Ardoino dans une interview à The Big Whale lors de la Paris Blockchain Week.

Ces règles vont directement impacter le modèle économique des stablecoins, qui repose sur l’investissement de leurs réserves en bons du Trésor américain. Ils auront également davantage de contraintes dans la gestion de leur bilan.

“En 2022, nous avons dû rembourser près de 7 milliards de dollars en moins de 48 heures. En un mois, le montant de ces remboursements atteignait 20 milliards de dollars, soit un quart de nos réserves. Cela aurait été quasiment impossible à réaliser aussi rapidement si nous avions un quota de dépôts immobilisé en banque”, regrettait Paolo Ardoino.

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Même si Circle n’a pas fait le même choix stratégique que Tether en se conformant à la réglementation, son directeur de la stratégie en Europe, Patrick Hansen, expliquait dans un article de recherche publié en janvier que ces exigences pourraient nuire à la compétitivité de l’Europe.

“Pour les émetteurs de stablecoins internationaux, les juridictions non européennes ne disposant pas d’un cadre similaire, ou les juridictions disposant d’un ensemble d’indicateurs et de seuils plus flexibles, discrétionnaires et conservateurs, pourraient s’avérer beaucoup plus attrayantes du point de vue de la surveillance”, remarquait-il.

Autre point de friction : l’impossibilité pour les émetteurs de rémunérer les détenteurs de leur stablecoin puisque MiCA les assimile à de la monnaie électronique. Même si aujourd’hui Circle et Tether ne partagent pas les intérêts générés par leurs réserves avec leurs utilisateurs, les stablecoins régulés en Europe pourraient à terme être désavantagés par rapport à des solutions décentralisées.

Les plateformes d’échanges pourraient avoir besoin d’une nouvelle licence

MiCA considère les stablecoins libellés en dollars ou en euros comme de la monnaie électronique et non comme des actifs numériques, contrairement aux autres cryptomonnaies.

Par conséquent, les plateformes d’échange ou les entreprises désireuses d’offrir des services incluant des stablecoins pourraient être soumises à la Directive des services de paiement (DSP2). En plus de l’agrément MiCA, elles pourraient donc devoir obtenir de nouvelles licences.

Sur ce point, certains acteurs réclament depuis plusieurs mois des clarifications pour savoir dans quels cas un stablecoin pourrait être considéré comme un moyen de paiement.

Contactée par The Big Whale, l’Autorité bancaire européenne (EBA) a précisé qu’elle ne considérait pas les services de base fournis par les plateformes d’échange comme des services de paiement. Ces services incluent notamment le trading, la garde (custody) ou encore l’achat en monnaie fiduciaire. Pour ces activités, les plateformes n’auront donc pas besoin d’une licence de prestataire de services de paiement (PSP) au 30 juin prochain.

En revanche, les choses pourraient évoluer dans les mois à venir en raison de textes législatifs en cours de négociation comme la DSP3, qui pourraient se recouper. “MiCA est une régulation qui se fera pas à pas. Il y aura nécessairement des ajustements à faire”, rassure un responsable européen.

Le terme “décentralisé” toujours pas précisé

Pour se démarquer, certains acteurs font le pari de la décentralisation afin de profiter d'une zone grise encore non couverte par la réglementation européenne, la finance décentralisée (DeFi) ne rentrant pas dans le périmètre de MiCA.

À la différence des stablecoins émis par des entreprises, ces derniers s'appuient sur des protocoles. Ils échapperaient à toute régulation en 2024, même si cela n'est que provisoire, car la nouvelle version de MiCA attendue en 2025-2026 devrait s'y intéresser.

Parmi eux, il est possible de citer l’usUSD d’Usual, le projet de stablecoin porté par l'ancien député “crypto” français Pierre Person, ou encore l'agEUR émis par le protocole Angle, ainsi que le Dai de Maker.

Cependant, pour le moment, aucune précision n'a été apportée par les autorités européennes pour déterminer clairement quel niveau de décentralisation est nécessaire pour qu’un stablecoin bénéficie de “l’exemption DeFi”. Il n’est pas non plus précisé si les plateformes d’échange devront arrêter de proposer de tels stablecoins à leurs utilisateurs européens au 30 juin ou dans les mois qui viennent.

“L’ensemble de ces incertitudes oblige les acteurs à se préparer longtemps en amont et va mécaniquement entraîner une rationalisation drastique du secteur dans les mois qui viennent. Ce qui n’est pas forcément mal vu par les régulateurs qui auront moins d’acteurs fantaisistes à gérer”, ironise un bon connaisseur du secteur.

Bien que les responsables européens se soient targués d’avoir été les premiers à adopter au niveau mondial un cadre spécifique pour les cryptos, les enjeux réglementaires seront nombreux dans les mois à venir. Et la crédibilité de l’Europe sur ce sujet dépendra grandement de la manière dont ils seront gérés.

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