Du Web1 au… Web3 “Web3”. Depuis quelques mois, ou peut-être seulement depuis quelques semaines, vous entendez parler de ce terme en vous demandant, sans doute, “mais qu’est-ce que c’est ?” Et vous n’êtes pas seul. Pour répondre à cette question, il faut revenir un peu en arrière, et plus précisément à la naissance d’Internet au début des années 1990.
A l’époque, les cryptos n’existaient pas, Internet est un « simple » réseau de communication. Pour l’utiliser, il faut passer par les sites Web dont l’utilisation est relativement sommaire. Les sites permettent de lire et consulter des informations. Les entreprises créent leur premier site où elles affichent des produits, des offres commerciales et même leur adresse physique ! Les internautes se créent des boîtes mails et commencent à échanger entre eux en ligne… Cette période correspond à ce qu’on appelle le Web1.
Les choses vont s’accélérer dans les années 2000 où Internet va permettre progressivement de naviguer et partager des contenus, notamment multimédias (images, vidéos…). Les sites web ne sont plus statiques, mais dynamiques. C’est le début des réseaux sociaux avec les smartphones et l’apparition de futurs géants comme la société Meta (ex-Facebook) qui rejoignent les autres leaders du marché comme Google et Amazon. Cette période est celle du Web2, ou plus communément l’Internet mobile.
L’émergence du Web2 a permis le développement de nouveaux moyens de communication. Les géants de la téléphonie ont été en (grande) partie éclipsés par les géants de la Tech et les réseaux sociaux comme Instagram qui sont au cœur de ce nouvel Internet. Reste que ce Web2 est très centralisé. Google et les autres géants concentrent toutes les données de milliards d’utilisateurs qui leur permettent de générer des revenus colossaux.
C’est justement en réaction à ce mouvement de concentration d’Internet qu’est né ce qu’on appelle le “Web3”. Le premier à en avoir parlé est Gavin Wood, l’un des cofondateurs d’Ethereum, qui est aujourd’hui la deuxième plus grande blockchain de la planète.
Qu’est-ce que le Web3 ? Rassurez-vous, le Web3 n’est pas un monde parallèle ou un Internet pour les martiens. Il est tel que nous le connaissons avec des sites, des applications. Sauf qu’il a en plus une nouvelle couche basée sur la technologie blockchain et les cryptos. Et cette couche est fondamentale dans la mesure où elle permet d’apporter la propriété numérique à nos sociétés.
Jusqu’à présent, on ne pouvait rien posséder sur la toile : ni sa monnaie, ni ses “objets” numériques, ni son identité… Tout était détenu par des tiers de confiance, des intermédiaires comme votre banque, votre opérateur téléphonique, votre réseau social préféré.
Avec la blockchain et les cryptos, il n’y a plus forcément besoin d’intermédiaires. Les innovations technologies vous permettent de posséder et gérer vous-mêmes vos données, votre identité numérique, votre argent.
Comment détenir ses données ? Pour détenir et manipuler ces cryptos, in fine avoir le contrôle sur ses actifs, il faut des wallets, c’est-à-dire des portefeuilles numériques.
Ces portefeuilles peuvent être physiques. Dans ce cas-là, ils ont souvent l’apparence d’une clé USB. Le leader mondial du secteur n’est autre que le français Ledger. Les portefeuilles numériques peuvent aussi être des applications dématérialisées. Cela peut paraître plus pratique, mais c’est aussi un peu plus risqué (notamment face aux éventuels piratages).
Le wallet est le deuxième outil de référence du Web3. Il permet aux internautes de stocker toutes leurs données numériques, leurs cryptomonnaies et autres objets 3.0 comme les NFT. En termes d’utilisation, c’est aussi un grand changement puisque ce système va permettre de pouvoir gérer différemment son identité numérique.
L’exemple le plus évident est celui de la connexion à tous les sites et abonnements en ligne. Jusqu’à présent, nous rentrons nos identifiants et mots de passe pour nous connecter, et ce sont les géants de la Tech qui détiennent ces données. Avec le système des wallets et des autres cryptomonnaies, ce sont désormais les internautes qui contrôlent la data.
Pourquoi le Web3 trouve-t-il un certain succès ? Internet a été imaginé pour permettre à chacun de communiquer et d'échanger avec tous. C’est du moins l'idée originelle encore portée par une partie de la communauté. Sauf qu’en l’espace d’une vingtaine d’années, Internet a beaucoup évolué. Loin d’être un réseau mondial et contrôlé par tous, il est surtout dominé par les géants de la Tech qui ont la main sur les données des internautes.
Une partie du succès du Web3 vient notamment de la volonté de se “réapproprier” Internet.
Le succès du Web3 est aussi économique. En redonnant la propriété des données aux utilisateurs, le Web3 permet aux internautes de récupérer la “valeur” de leurs données et d’en avoir le contrôle. L’un des exemples connus est celui des items (objets) dans les jeux vidéo. Si vous achetez un objet dans un jeu vidéo comme un accessoire ou un habit, vous n’en êtes pas propriétaire. Si les créateurs du jeu suppriment votre compte ou si même le jeu disparaît, vous perdrez ces objets. Si vous arrêtez de jouer, vous perdez également ce que vous avez investi. A l’inverse avec le Web3, vous avez la propriété des items, personne, pas même l’éditeur du jeu, ne peut vous retirer la propriété de votre objet numérique. Et si vous arrêtez de jouer, aucune entité, pas même les créateurs du jeu, n'a le pouvoir de vous retirer votre propriété. Et si vous arrêtez de jouer, vous pouvez vendre ou échanger vos objets.
L’attrait du Web3 est aussi lié au concept de dimension communautaire. Pour reprendre les termes du sociologue français Guy Rocher “Appartenir à une collectivité, c’est partager avec les autres membres assez d’idées ou de traits communs pour se reconnaître dans le “nous”. Or, la possession d’actifs comme les NFT favorise ce sentiment d’appartenance. C’est notamment cette logique qui a été utilisée par le studio Yuga Labs dans la communication de sa fameuse collection NFT Bored Ape.
C’est pourquoi, dans l'évolution du Web3 les DAO (organisations autonomes décentralisées) sont un élément fondamental du récit de la décentralisation. Contrairement aux organisations traditionnelles et centralisées où la prise de décision est concentrée au sommet, les DAO utilisent des contrats intelligents pour donner une voix à chaque membre participant. À nouveau, le Web3 donne la parole aux utilisateurs. Le monde numérique n’appartient à personne si ce n’est à tout le monde. Le potentiel démocratique est un point drastique de l’évolution du Web2 vers le Web3 pour nos sociétés.
Quelles sont les limites du web3 ? Le futur du Web3 n’est pas tout tracé. C’est un concept encore contesté et il suscite le débat. Alors, se dirige-t-on vers le meilleur des mondes ? Ou le pire des cauchemars ?
Pour cela, il faut se plonger dans le métavers, ce monde virtuel dessiné par Neal Stephenson dans Le Samouraï virtuel en 1992 et qui permettrait le prolongement de notre identité. L’intérêt du public pour le métavers a explosé ces derniers mois. Notamment du côté des entreprises. À lui seul, Meta (ex-Facebook) a dépensé plus de 10 milliards de dollars en 2021 dans les technologies métavers.
Les cypherpunks à l’origine de ces projets se voulaient penser le métavers comme un moyen de vaincre la mort grâce au développement d’une version virtuelle de nos vies. Cette promesse suffit-elle à l'amalgamer à la révolution web3, alors que le métavers est porté notamment par Meta, l'une des entreprises phares du web 2.0 et symbole d'une vision centralisée de l'internet ?
Il est difficile de répondre, mais on ne peut éviter le sujet. C’est un questionnement important à prendre en compte alors que les valeurs intrinsèques du Web3 sont la décentralisation et le contrôle de ses données. Force est de constater que les entreprises du web2 prennent ce défi sérieusement afin de ne pas se faire distancer par les nouveaux acteurs. Elles déploient notamment de nouvelles branches dédiées au sein de leurs institutions. C’est notamment le cas de Meta, évidemment, mais aussi du groupe Alphabet (maison-mère de Google) qui est le plus gros investisseur dans les start-up du Web3 avec un apport à hauteur d’1.5 milliard de dollars selon Blockdata.
Vous l’aurez sans doute compris, on parle beaucoup d’argent et d’investissement dans cet écosystème, cela pourrait d’ailleurs en être l’une de ses limites. Le processus de tokenisation, qui consiste à représenter numériquement un actif sur la blockchain, a de très nombreux avantages. Néanmoins, le spectre d’un monde dans lequel chaque objet, chaque bien pourrait être un titre financier plane et laisse craindre une dérive de ces technologies. C’est pourquoi, dans une logique d’adoption généralisée, il y a un réel besoin d’informer la population. L’éducation est surement la clé de voute du futur du web3. C’est en expliquant à tout un chacun ce que sont le web3 et la blockchain, que l’on évitera les dérives et que le secteur s’ancrera de façon pérenne dans nos quotidiens.