2023 sera une année charnière avant l’arrivée de la régulation en Europe, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Il convient d’admettre que l’industrie des actifs numériques n’est pas encore stabilisée, la situation de DCG en est le parfait exemple ; combien y a-t-il encore d’acteurs en difficulté sans qu’on le sache ? Dans cette perspective on peut considérer que 2023 sera une année de consolidation de l’industrie avec des fusions et des acquisitions de la part d’acteurs crypto (exchanges, protocoles, lenders, crypto institutionnels).
On peut même imaginer des opérations de ce type par des acteurs plus traditionnels qui préfèrent jouer leur partition en s’emparant des joyaux de la couronne à un prix bradé : quid d’un rachat de DCG par Fidelity ou BlackRock, ou d’une OPA hostile de Coinbase par JP Morgan ? Tout cela est envisageable, ça n’est pas de la "finance fiction". En parallèle, on peut penser que tous les "accidents" de 2022 et la volonté de se faire racheter par les gros acteurs de l’industrie vont pousser beaucoup d’acteurs centralisés à s’auto-réguler, à jouer le jeu de la transparence via des audits financiers publics et des communications financières régulières à la communauté.
D’un point de vue macro-économique, on peut penser que les banques centrales vont continuer à augmenter les taux pendant la première moitié de l’année quitte à provoquer des récessions économiques un peu partout. Néanmoins, je pense que la pression politique, voire la pression de la rue et le fait que les banques centrales sont surendettées, vont amener celles-ci à s’accommoder d’une inflation moindre (4/6%), mais malgré tout plus importante que ce que nous avons connu lors de la dernière décennie, afin de rogner la dette et pour soutenir l’économie - les investissements dans les infrastructures des pays développés étant nécessaires (énergie, mobilité, défense, santé…). Par conséquent, je suis convaincu que le Bitcoin, en tant qu’or numérique va s’imposer tout naturellement comme une classe d’actifs pertinente pour cette décennie de "répression financière" (cf. l'historien de la finance Russell Napier).
A cet égard, en 2022, Bitcoin sort grand gagnant. En effet, comme l’a évoqué notre Head of Research James Butterfill, bien que le Bitcoin ait perdu 63% de sa valeur en 2022, les "inflows" sur les produits ETPs Bitcoin ont été de 287 millions de dollars alors qu’Ethereum a subi 407 millions de dollars d’outflows. Toutefois, la réussite du Merge et l’arrivée du "Shanghai update" va asseoir la domination d’Ethereum en popularisant l’usage du staking ce qui va rendre difficile l’existence d’autre blockchains PoS.
Solana renaîtra-t-elle de ses cendres ? Qu'en est-il de Cosmos 2.0 ? D’ailleurs en ce qui concerne les véhicules d’investissement type crypto ETPs évoqués plus haut, on peut prédire qu’une partie des investisseurs long terme préférera s’exposer aux actifs numériques à travers ce type de produits familiers (les ETFs faisant partie de la famille des ETPs) qui d’une part évitent la gestion des clés privées par l’utilisateur, sont hautement régulés et d’autre part qui sont disponibles sur toutes plateformes de courtage traditionnelle au milieu des stocks, bonds, ETFs et matières premières.
Pour revenir au Bitcoin, si l’on se réfère au MVRV Z-Score, on peut estimer que nous sommes dans une phase d’accumulation, cependant, cette accumulation reste une accumulation des investisseurs retail, le manque de régulation ne conduit pas encore les investisseurs institutionnels à s’aventurer dans une industrie encore trop immature. Toujours est-il que ces derniers, perçoivent une appétence pour cette nouvelle classe d’actifs de la part de leurs investisseurs, preuve en est l’étude de Vanguard qui démontre un intérêt de plus en plus fort pour une forme de volatilité de la part des jeunes générations. On peut imaginer que fin 2023, les grands "wealth managers" vont s’interroger à nouveau sur la pertinence de proposer des produits cryptos à leurs clients, la question est de savoir sous quelle forme.
Quant à la DeFi, Uniswap et Aave sont en train d’asseoir leur supériorité en tant que protocoles essentiels de l’industrie. Par ailleurs, les acteurs décentralisés qui proposent des produits dérivés comme dYdX ou GMX ont le vent en poupe, cela s’explique certainement par l’implosion de FTX et les doutes qui subsistent quant aux réserves de Binance ; je m’interroge tout même sur les défis de scalabilité de tels projets.
Enfin, autre point intéressant, la finance traditionnelle propose aujourd’hui des revenus plus intéressants que ceux de la finance décentralisés, par conséquent, beaucoup de protocoles DeFi, à l’instar de MakerDAO vont se tourner vers ce qu’ils appellent les RWA (Real World Assets) , c’est à dire des obligations traditionnelles voire même des actions. Ainsi ces protocoles ne sont plus uniquement collateralisés par de la crypto mais bien par des actifs de l’industrie traditionnelle. C’est une hybridation qu’il sera intéressante d’observer en 2023.
Enfin, après tous les "accidents" vécus cette année on peut supposer que l’industrie va se doter des mêmes outils que l’industrie financière traditionnelle pour minimiser le risque, c’est à dire des outils de credit scoring, d’assurance, voire même des CDS. La question, est de savoir comment une industrie qui se veut complètement décentralisée pourra se doter de tels outils sans intermédiaire de contrôle.