Erald Ghoos (OKX) : “Notre licence MiFID change la donne pour les dérivés crypto en Europe”

OKX accélère son expansion en Europe avec l’obtention des licences MICA et MiFID, ouvrant la voie à une offre de produits dérivés pour les institutionnels (et bientôt les particuliers). Une avancée stratégique qui renforce sa position face à ses concurrents comme Kraken et Coinbase.
The Big Whale : Avant de commencer, pourriez-vous vous présenter brièvement ?
Erald Ghoos : Je CEO d’OKX en Europe, et je suis dans l’entreprise depuis exactement deux ans ce mois-ci. Mon rôle a été de structurer notre entité européenne, d’obtenir les licences financières nécessaires et d’adapter notre produit au marché local. Depuis quelques mois, avec la certitude d’obtenir la licence MICA, mon objectif principal est d’accélérer le développement de nos équipes à travers l’Europe.
Avant OKX, j’ai travaillé chez un concurrent, Binance, en tant que responsable de l’Europe, puis chez Crypto.com, où j’étais Chief Operating et Chief Compliance Officer. J’ai rejoint cette entreprise en 2017 juste après sa création et j’ai piloté les équipes opérationnelles et de conformité. Avant cela, j’étais dans la finance traditionnelle, où j’ai participé à la création de plusieurs banques en Europe et occupé le poste de responsable des opérations au niveau mondial pour une grande entreprise de paiements internationaux.
Vous avez donc une expertise très complète en matière de réglementation. Vous venez d’obtenir la licence MICA, pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avons officiellement obtenu la licence MiCA (qui permet de proposer des services cryptos dans toute l'Europe, ndlr) et nous annonçons également l’acquisition d’une licence MiFID. Nous sommes fiers d’avoir été la première plateforme d’envergure mondiale à obtenir cette licence MiCA, ce qui représente l’aboutissement de deux ans de travail.
En ce qui concerne la licence MiFID, nous avons récemment reçu l’approbation pour le changement de contrôle après l’acquisition d’une entité déjà détentrice de cette licence. Il nous reste quelques démarches administratives à finaliser avant de pouvoir proposer des produits dérivés, tels que les futures, les swaps et les options, aux investisseurs institutionnels européens. Mais très bientôt, nous pourrons adresser la totalité des États membres de l'UE.
Cette licence MiFID, vous l’avez obtenue en achetant une entreprise déjà détentrice de cette autorisation ?
Oui, nous avons fait l’acquisition d’une entreprise qui possédait déjà une licence MiFID. Il ne s’agissait pas d’une demande de licence à partir de zéro. Cette entreprise, Oanda, possédait plusieurs licences et a décidé d’en vendre une, ce qui nous a offert une opportunité unique.
Cette acquisition nous permet d’accélérer le processus de mise sur le marché de nos produits dérivés. Nous pouvons ainsi proposer rapidement des contrats à terme, des options et des swaps aux institutionnels européens, ce qui nous place dans une position stratégique face à nos concurrents comme Kraken et Coinbase.
“Ces produits seront assortis d’un effet de levier maximum de 10x “
Concrètement, quels nouveaux produits pourrez-vous proposer avec cette licence MiFID ?
Dans un premier temps, nous nous concentrerons sur les produits dérivés pour les investisseurs institutionnels, en commençant par les swaps perpétuels, les futures à expiration et les options. Ces produits seront assortis d’un effet de levier maximum de 10x pour garantir une gestion des risques maîtrisée. Notre objectif est d’être opérationnels avant l’été.
Par la suite, nous prévoyons d’élargir notre gamme en fonction de la demande du marché. Nous avons la flexibilité d’introduire de nouveaux produits rapidement, grâce à l’expérience acquise sur d’autres marchés réglementés, notamment à Dubaï et en Australie.
Vous prévoyez aussi d’ouvrir ces produits aux clients particuliers ?
Oui, mais cela viendra plus tard. Nous devons d’abord montrer à notre régulateur que nous avons une maîtrise totale des produits institutionnels. Une fois cette étape validée, nous pourrons demander l’extension de notre licence pour proposer ces produits aux particuliers.
Pour les investisseurs de détail, nous adopterons une approche prudente avec un levier limité à 2x, en conformité avec les standards européens de protection des consommateurs. Notre ambition est d’ouvrir cette offre avant la fin de l’année, mais cela dépendra de l’approbation réglementaire.
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Comment faites-vous la distinction entre institutionnels et particuliers pour l'accès aux produits dérivés ?
La distinction repose sur plusieurs critères réglementaires bien définis. Les clients institutionnels incluent des entités telles que les banques, les fonds d’investissement, les courtiers et les traders professionnels. Ces derniers doivent répondre à des exigences strictes, notamment en termes de volume de transactions, d’actifs sous gestion et d’expérience avérée sur les marchés financiers.
Pour accéder aux produits dérivés en tant que professionnel, un investisseur individuel doit prouver qu'il remplit certains critères de sophistication financière, tels qu'un portefeuille minimum ou une expérience significative dans le trading d'instruments complexes.
Pourquoi avoir choisi d’installer votre siège européen à Malte plutôt qu’en France, alors que aviez initialement envisagé Paris ?
Nous avons effectivement envisagé plusieurs options, y compris Paris, qui affichait une volonté forte de structurer un cadre réglementaire favorable aux entreprises crypto. Cependant, nous disposions déjà d’une base opérationnelle solide à Malte et aux Pays-Bas, où nous avions des enregistrements réglementaires depuis 2021. Déplacer l’ensemble de nos activités vers un autre pays aurait été un changement complexe, tant d’un point de vue organisationnel qu’humain.
De plus, Malte a mis en place une réglementation crypto dès 2019, ce qui nous a offert un cadre clair et stable pour notre développement. Nous avons aujourd’hui une centaine d’employés sur place, principalement en conformité et en opérations. Cette présence locale et l’efficacité de notre régulateur nous ont confortés dans notre décision de conserver notre siège européen à Malte plutôt que de le transférer en France.
“Certains de nos concurrents doivent gérer ces licences dans plusieurs juridictions, ce qui complique les choses, augmente les coûts et réduit l’efficacité”
Malte n’est-elle pas un choix compliqué pour piloter une stratégie européenne, surtout si vous ciblez une clientèle institutionnelle comme les banques ?
Jusqu’à présent, nous nous sentons très bien à Malte. Nous n’avons rencontré aucune limitation liée à notre présence ici. C’est un marché particulièrement accueillant pour les expatriés, et nous n’avons aucun mal à attirer des talents ici. Depuis Malte, nous gérons l’ensemble de notre activité européenne. Et honnêtement, si l’on peut travailler depuis une île méditerranéenne agréable, les talents affluent naturellement.
Les régulateurs sont à la fois progressistes et rigoureux, et il est relativement simple de recruter sur place ou de faire venir des talents à Malte. De ce point de vue, nous sommes tout à fait à l’aise avec notre choix d’implantation.
Un autre avantage clé est que nous avons pu obtenir à la fois notre licence MiCA et notre licence MiFID dans un seul pays. Cela nous permet d’être bien plus efficaces. Certains de nos concurrents doivent gérer ces licences dans plusieurs juridictions, ce qui complique les choses, augmente les coûts et réduit l’efficacité. Avoir tout centralisé dans un seul pays, avec un seul régulateur, optimise clairement la rapidité et la gestion de notre activité.
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L’Autorité des marchés financiers (AMF) en France est très critiquée en raison de sa lenteur pour étudier les dossiers. Est-ce que vous confirmez cela ?
Pour notre part, nous n’avons pas rencontré ce problème. Lorsque nous avons déposé notre demande d’enregistrement en France, le processus a été efficace et bien structuré. Nous avons trouvé les autorités très professionnelles et réactives dans leur manière de traiter notre dossier.
Nous avons eu une expérience positive avec l’AMF. Le cadre réglementaire français est clair et nous avons pu nous conformer à leurs exigences sans difficulté majeure. Bien sûr, chaque entreprise peut avoir une expérience différente, mais de notre côté, nous avons été satisfaits du processus.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.


