The Big Whale : Bitpanda est un peu un animal à part dans l’univers crypto. Vous permettez d’investir dans les cryptos, mais aussi de plus en plus dans les actifs plus traditionnels. Pourquoi faire tout cela ?
Lukas Enzersdorfer-Konrad : Bitpanda a été créé il y a près de dix ans d’abord pour permettre aux gens d’investir dans les cryptomonnaies. C’était notre mission originelle. Elle s’est progressivement élargie aux titres financiers comme les actions parce que nous croyons à la convergence des deux mondes.
Les investisseurs dans les actions s’intéressent de plus en plus aux cryptos pour avoir plus de rendement, et les investisseurs cryptos veulent de plus en plus des actions pour avoir plus de diversification.
Quelle est la répartition entre la crypto et les actifs plus traditionnels ?
C’est à peu près 80% pour les cryptos et 20% pour les actifs traditionnels, et cette partie de notre activité ne fait que grandir. Nous devons devenir la plateforme incontournable en Europe pour tous ceux qui veulent investir dans une action ou une cryptomonnaie. En près de dix ans, nous n’avons jamais eu aucun incident, aucun problème, c’est pour ça que les gens nous font confiance.
Bitstamp dit qu’elle est la plateforme crypto “la mieux régulée de la planète”. Vous aussi. Qui a raison ?
Nous avons de nombreuses licences et pas que dans la crypto. Nous avons une licence de monnaie électronique européenne, nous opérons une société d’investissement enregistrée Mifid2 (une directive concernant les marchés d’instruments financiers, ndlr). Nous sommes enregistrés comme plateforme crypto un peu partout en Europe, et notamment en France.
Est-ce que vous prévoyez d’aller en dehors de l’UE ?
Nous sommes focalisés sur notre marché européen. Il y a de nombreuses opportunités en dehors de l’Europe, mais pour nous l’Europe est le marché le plus prometteur.
Quelles sont les principales différences entre l’Europe et les autres zones ?
Les comportement des consommateurs n’est pas le même. Même si l’Europe est la zone la plus riche de la planète, les Européens sont loin d’être les mieux éduqués sur les questions financières.
Ils ne sont pas aussi sensibles à ces questions que les Américains ou les Japonais, donc il faut les accompagner, leur expliquer comment cela fonctionne, surtout en France. Les gens ont besoin de partenaires de confiance pour investir.
Quelle est votre stratégie marketing ? C’est fondamental dans cet écosystème.
En général, nous nous focalisons sur un pays, puis après nous en ouvrons un autre. Nous pensons que c’est la seule solution pour pouvoir construire un réseau et une marque forte sur le long terme. Chaque pays est différent, donc il faut comprendre les attentes des clients, savoir ce qui leur plaît.
Vous avez levé un peu plus de 250 millions de dollars en 2021. Où en êtes-vous ? Êtes-vous impacté par le Bear Market ?
Nous avons levé beaucoup d’argent parce que nous avons un projet de long terme. Notre précédente levée de fonds nous a permis d’améliorer le produit, de nous développer en Europe. Le Bear Market a évidemment un impact, et c’est normal. Mais nous avons anticipé cette situation, nous avons des réserves et de quoi traverser ce qui n’est pas notre premier Bear Market.
Comment vous êtes-vous adaptés concrètement ?
L’année dernière, nous avons acté le fait que 2023 serait une année compliquée, donc nous sommes focalisés sur la régulation et le développement de nouveaux produits. Nous venons d’annoncer plusieurs nouveaux produits financiers comme des CFD (les contrats de différence permettent de parier à la hausse ou à la baisse sur un actif sous-jacent sans le détenir, ndlr).
N’est-ce pas dangereux d’offrir des produits aussi spéculatifs ?
Ils ne sont pas ouverts à tous, et le but est de continuer d’offrir la gamme de produits la plus large possible.
Avez-vous profité de la chute de FTX ?
Nous avons vu de nouveaux clients arriver. Les clients veulent plus de transparence, savoir où est basée la société, comment elle fonctionne, donc ils vont vers des plateformes comme Bitpanda.
Beaucoup de particuliers ont quitté les CEX pour garder eux-mêmes leurs cryptos. Qu’en pensez-vous ?
La conservation en propre est très importante, mais tout le monde n’en veut pas et surtout tout le monde ne peut pas le faire. Il faut des plateformes pour leur assurer ce type de services.
Que pensez-vous de la Proof-of-Reserves ?
C’est une très bonne chose. Le problème, c’est que certains l’utilisent mal et lui donnent une importance qu’elle ne devrait pas avoir. Depuis 2019, tous nos wallets sont audités par KPMG tous les trimestres. C’est important pour nous de fournir ce genre d’éléments, mais ce n’est pas la réponse à tout.
MiCA vient d’être définitivement adopté. Qu’en pensez-vous ? Est-ce une bonne chose ?
L’adoption de MiCA est une excellente chose. Ce texte, qui est inédit à l’échelle mondiale, va permettre d’harmoniser les législations à l’échelle européenne et donc de faciliter le développement des acteurs européens. Chaque entreprise va pouvoir passeporter son enregistrement dans les autres pays. MiCA va aussi apporter de la sécurité et de la visibilité pour les acteurs traditionnels qui n’osent pas venir dans cet univers.
Pensez-vous que les banques vont devenir moins “frileuses” ?
Les banques sont sûrement les acteurs les plus régulées de la planète, donc elles veulent travailler avec des acteurs qui ont des standards équivalents aux leurs.
Pourtant cela n’a pas empêché plusieurs banques américaines et européennes de s’effondrer…
Les banques régionales américaines sont moins régulées que les banques européennes.
Certaines banques et plateformes ferment les comptes de leurs clients. Bitpanda l’a aussi fait. Pourquoi ?
Il y a deux sujets. Le premier concerne les obligations en termes de lutte anti-blanchiment. Tous les acteurs doivent respecter des règles de contrôle pour connaître les clients et identifier des flux suspects. Si jamais un client ne s’y plie pas, nous sommes effectivement obligés de fermer son compte. C’est pareil pour les banques.
Peu de gens le savent, mais vous avez votre propre blockchain, baptisée Pantos. Quel est l’intérêt ?
Nous avons lancé le projet Pantos en 2018 parce que nous avions identifié un vrai besoin du côté des start-up de l’écosystème. Quand vous lancez votre propre token, vous devez savoir dès le début quelle blockchain vous allez utiliser. Ethereum, Solana ?
Il y a encore trois ou quatre ans, la question de l’interopérabilité était complexe. C’est pour cette raison que nous avons eu l’idée de ce protocole multi-chain qui permettrait aux start-up de transférer un token d’une blockchain à une autre sans avoir à tuer un token pour en créer un autre.
Comment Pantos marche-t-il exactement ? Quel est le but ?
Les projets peuvent utiliser le smart contract de Pantos et transférer leurs tokens d’une blockchain comme Ethereum à une autre comme Solana.
Est-ce que cette technologie est live ?
Elle est encore en test, mais le lancement est prévu pour la fin d’année.
Avez-vous d’autres projets dans les tuyaux ?
Nous en avons d’autres, mais nous ne voulons pas aller trop vite. Notre principal objectif est de continuer à développer la plateforme de trading. Nous proposons plus de 250 cryptomonnaies, nous avons aussi une offre de staking, mais nous pouvons faire beaucoup plus.