Face à la croissance exponentielle du marché des cryptoactifs en France, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a été chargé par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire d'explorer les pratiques de commercialisation de ces actifs.
L'une des lacunes mises en exergue dans le rapport du CCSF paru le 10 octobre 2023 porte sur le manque d'information des détenteurs de cryptoactifs concernant leurs obligations fiscales.
Aujourd'hui, les plateformes d'échange spécialisées n'informent pas leurs utilisateurs sur les déclarations à effectuer chaque année auprès des services fiscaux, à savoir la déclaration des comptes en actifs numériques détenus à l'étranger (formulaire n°3916-3916 bis) et la déclaration annuelle de revenus (formulaire n° 2086).
De plus, ces plateformes ne fournissent pas de relevé indiquant le montant des apports et des plus et moins-values latentes afin de reconstituer la valeur du portefeuille.
Or, il s'agit d'informations indispensables aux particuliers « non professionnels » pour effectuer le calcul complexe de leurs plus-values imposables à 30% en vertu de l'article 150 VH bis du Code général des impôts.
Les détenteurs de cryptoactifs se retrouvent donc dans l'incapacité de calculer leurs gains taxables, à moins de faire appel à certaines entreprises privées ou d'estimer eux-mêmes la valeur de leur portefeuille avant chacune de leurs transactions.
Pallier ces insuffisances Sur le plan national, le Comité rejette l'idée – difficilement praticable - d'obliger les plateformes d'échange à transmettre à leurs utilisateurs un relevé annuel des montants à déclarer semblable à l'IFU (imprimé fiscal unique) délivré par les établissements bancaires.
Toutefois, il recommande que la plateforme adresse à son client des renseignements précis sur l'état de son portefeuille après chaque transaction et en fin d'année. Ces informations devraient rester disponibles dans l'espace client du site, de même qu'un document d'information renvoyant vers les sites des administrations concernées. À ce titre, le site impots.gouv.fr fournirait une information pédagogique dédiée aux crypto-actifs ainsi qu'un simulateur de calcul.
Sous l'impulsion européenne, les CASP (Crypto Asset Service Providers ) - équivalent des PSAN en France, vont être encore davantage mis à contribution.
Dès le 1er janvier 2026, ils seront tenus de transmettre à l'administration fiscale l'identité de leurs utilisateurs (nom, coordonnées, numéro d'identification fiscal, etc.) et le détail de leurs transactions de l'année.
En effet, la Directive sur la Coopération Administrative (« DAC 8 ») prévoit d'offrir aux autorités fiscales des États membres la capacité de surveiller toutes les transactions en cryptomonnaies effectuées par les entreprises et les particuliers.
Des moyens proportionnés ? Ces transmissions automatiques de données, associées à la coopération des autorités fiscales des États membres, devraient permettre de renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale.
Toutefois, il faut souligner que ces nouvelles obligations font supporter aux plateformes une lourde charge administrative, des coûts supplémentaires et une responsabilité dont nous ne pouvons mesurer les contours tant que les sanctions associées ne sont pas connues.
De plus, il est essentiel de questionner l'impact limitant de ces déclarations nominatives dans une industrie qui valorise le pseudonymat et la décentralisation comme ses atouts majeurs.
En conclusion, on ne peut qu'approuver la volonté des pouvoirs publics d'offrir aux utilisateurs de cryptoactifs une meilleure information sur leurs obligations déclaratives, tout en protégeant les recettes du Trésor.
Reste à trouver le point d'équilibre entre coopération et coercition vis-à-vis des acteurs de cet écosystème innovant pour ne pas freiner cet élan prometteur.