La question de la régulation est essentielle quelle que soit l’activité, mais elle l’est peut-être encore plus dans la crypto. Le choix de se tourner vers un autre pays européen va définir la stratégie réglementaire à long terme. Dans ce contexte, faut-il privilégier le cadre réglementaire français ou explorer les opportunités à l’étranger ? Faut-il se passer de régulation et opérer par l’intermédiaire d’un PSAN déjà enregistré ?
Analysons en détail les scénarios possibles et les implications de chaque choix.
Scénario n°1 - Je me régule en France : la réputation avant tout
Je suis une entreprise française qui souhaite se réguler en France et viser le marché français, c’est le choix qui de prime abord semble le plus logique.
Les avantages sont connus :
1- Un cadre légal clair et établi : précurseur, depuis la loi PACTE, la France a anticipé le règlement MiCA.
2- Des régulateurs de grande qualité qui connaissent très bien leur sujet.
C'est un choix qui apparaît rassurant pour les investisseurs, particulièrement dans un secteur aussi nouveau et technique que celui des cryptoactifs.
Pour autant, soyons honnêtes, en pratique, un tel choix présente également son lot d’inconvénients :
1- Un coût élevé : Au-delà de la lourdeur administrative, un enregistrement PSAN coûte cher et un agrément MiCA encore plus cher . Certains évoquent à minima 500.000 euros de mise en conformité et un budget équivalent pour les années suivantes. “Qui peut le plus, peut le moins”, cette phrase qui prône la sécurité peut être une marche infranchissable pour beaucoup de porteurs de projet si à la fin le coût de régulation passe du simple au triple… Il ne s'agit pas seulement des frais pour obtenir l'enregistrement (compliance, juridique...), mais également de tous les autres frais (annuels !) pour maintenir l'enregistrement (cybersécurité, coûts globaux, cotisations sociales…). Des coûts qui peuvent être prohibitifs pour une startup et être un désavantage concurrentiel pour une grande entreprise.
2- Un processus long et complexe : L'obtention de l'enregistrement est un processus long et souvent inaccessible pour les petites structures ou celles sans connexion bancaire.
Ne nous cachons pas, un tel choix s'adresse surtout à des sociétés bien établies et/ou opérant déjà dans le secteur bancaire et financier.
2 - Je me régule à l'étranger : la flexibilité à moindre coût
Je suis une entreprise française qui souhaite se réguler plus rapidement et à moindre coût.
Rappelons-le, le règlement MiCA permettra à toute entreprise crypto enregistrée dans un pays de l'UE d'opérer dans l'ensemble du territoire (c'est le passeport européen).
Les avantages :
1- Rapidité et coûts réduits : Certains pays de l’UE permettent d’obtenir un VASP en quelques semaines et pour un coût jusqu’à trois fois moins élevé qu’en France, ce qui représente un atout majeur pour les startups et entreprises.
2- Avantages fiscaux et sociaux : Certains pays de l'UE offrent des avantages fiscaux significatifs et des charges sociales moins importantes, particulièrement si vous y établissez votre centre opérationnel d’activité.
Mais attention, en pratique, un tel choix présente aussi ses inconvénients :
1- Des limitations sur le marché Français : jusqu'à l'entrée en application du règlement MiCA, le VASP pourrait être assimilé à un contournement de la réglementation française et présenter des risques significatifs. Par exemple, il ne sera pas possible de viser le marché français depuis l'étranger, encore moins faire de la publicité. Un tel choix peut donc s'avérer compliqué et limiter votre portée initiale, la reverse sollicitation étant très strictement encadrée.
2- Défis de réputation et de confiance : La régulation dans certains pays peut parfois soulever des questions de crédibilité auprès des investisseurs et des clients potentiels en France. Face à un concurrent régulé en France, la concurrence pourrait être rude, en attendant le passeport européen.
3. Je me régule via un PSAN : un entre-deux temporaire ?
Deux cas de figure :
1- Je suis une entreprise française qui n’a pas les moyens de se réguler en France.
2- Je suis une entreprise française qui souhaite commencer à opérer au plus vite, tout en poursuivant une démarche de mise en conformité par ailleurs.
Qui n’a jamais entendu l’histoire de telle ou telle société qui n’a eu aucun go-to-market pendant 12, 18 mois, parfois 24 mois en attendant désespérément leur sésame PSAN ? Cette situation est économiquement intenable.
Le "PSAN as a Service" (en attendant espérons-le un CASP MiCA as a service ) désigne un modèle protéiforme où une société utilise l'infrastructure réglementaire et technologique d'un PSAN enregistré (et donc conforme à la réglementation en vigueur) pour offrir des services liés aux cryptoactifs, sans posséder elle-même l'enregistrement nécessaire.
Ce modèle peut prendre différentes formes, de l’apport d’affaires (qui n’est pas un vrai PSAN as a Service vu que l’apporteur ne maintient pas de relation avec le client), jusqu’à la marque grise pour laquelle les services sur actifs numériques sont fournis sur le site ou la plateforme du PSAN mais via l’interface de la Société non régulée.
C’est tout le paradoxe de cette industrie : se calquer sur la réglementation financière sans en emprunter pourtant un des statuts les plus pertinents : celui de « l’agent ».
Imaginez demain si tous les agents de services de paiement devaient devenir prestataires de services de paiement (PSP) ou tous les agents liés de services d'investissement, des prestataires de services d'investissement (PSI) ? Ceci n’aurait aucun sens….
Les avantages :
1- Mise en place rapide et économiquement viable : Ce modèle permet une entrée rapide sur le marché avec des coûts initiaux lissés. Cela permet surtout de tester une proposition de valeur rapidement et de pivoter plus facilement si besoin.
C’est l’idéal pour tester un projet, ou en attendant un enregistrement conforme (mais long).
2- Simplicité opérationnelle : utiliser un PSAN existant élimine la complexité de gérer votre propre structure réglementaire.
3- Alignement des intérêts : la société non régulée exerce rapidement son activité, la société crypto élargit sa gamme de services et l’autorité de régulation limite l’instruction de dossiers de sociétés qui n’ont pas le temps/les moyens de leurs ambitions.
Mais ici aussi, des inconvénients existent :
1- Dépendance et risques :
Vous êtes dépendant économiquement (il faut souvent prévoir des frais de setup et/ou des commissions)
Vous êtes dépendant technologiquement (ce n’est pas votre plateforme mais celle du PSAN, a minima le backend).
Vous êtes dépendant commercialement (vos clients deviennent les clients du PSAN).
Cette dépendance peut entraîner des risques opérationnels et financiers, notamment en cas de divergence d'intérêts ou de problèmes chez le PSAN hôte.
2- Manque d'autonomie : Ce modèle limite votre capacité à développer une marque indépendante et à construire une réputation propre.
3- Modèle juridique à confirmer : une mission a été initiée au sein de l’Adan cette année pour échanger avec le régulateur en vue de sécuriser les acteurs qui souhaitent utiliser ce modèle. Ce n’est pas encore le cas !
Quelle que soit votre décision, votre stratégie réglementaire façonnera l'avenir de votre société dans l'écosystème crypto.